Article de Presse
Hervé Treuil : la lumière est en couleurs
L'impressionnisme c'est la peinture à la campagne!
Qui mieux qu'un paysan, tel Hervé Treuil, connaît et comprend la campagne? L'agriculteur par son travail dessine nos paysages, repousse la friche. I1 entretient la ligne d'horizon qui peut être fermée -hélas- par une grande muraille de résineux, comme sur le plateau de Millevaches en haute Corrèze, où la déprise agricole et la diagonale du vide ont laissé place aux plantations trop denses, à la monoculture du bois.
Mais si l'agriculteur est, même malgré lui, l'architecte d'un terroir, il n'est pas toujours sensible à la beauté des paysages qu'il entretient ; quand bien même sa charrue en trace les contours et alors que ses vaches les animent de touches de couleur.
Oubliant le paysan qu'il doit rester (l'homme d'un pays) il arrive aussi -hélas- que tel agriculteur défigure un point de vue en entassant, par exemple, ses balles d'ensilage au prétexte que la production a besoin. Aussi de zones industrielles. D'où des abords de ferme qui insultent la poésie champêtre.
A contrario, le peintre-paysan Hervé Treuil est un poète de la nature doublé d'un agriculteur respectueux de l'environnement.
Chez lui, l'homme à la bèche tient la terre au bout de sa palette. C'est un excellent coloriste dont l'art n'est pas sans rappeler l'élégance de la peinture de Sisley.
Il maîtrise le trait. D'où - et c'est un compliment - un académisme des formes qui prouve qu'il sait. .. dessiner. Un académisme dont il sait se libérer (suffisamment ?) et qui lui permet de se distinguer des peintres du dimanche, bref des amateurs.
L'œuvre d'Hervé Treuil confirme ce que disait André Malraux: « le tableau n'est pas la photo de son modèle ».
S'il n'était pas un peintre de la sensibilité des couleurs, proche de l'école des précurseurs de l'impressionnisme, ses toiles ne voyageraient pas de Boston à San Francisco où Shanghaï (oui, jusqu'en Chine !) en passant, bien sûr, par sa Corrèze natale.
A bien regarder ses tableaux, on pense à Corot dont on disait: « les paysages expriment une émouvante simplicité signe d'une éternelle jeunesse ».
Il y a même du Turner dans ses brumes qu'il réussit aussi bien que ses neiges.
Des références qui peuvent heurter la modestie de celui qui revendique le titre de paysan mais qui, conscient de l'image du « bouseux » inventée par la petite bourgeoisie citadine, dit presque timidement: « les agriculteurs ont aussi le droit d'aimer la peinture, de pratiquer l'art ».
Et j'ajoute de devenir, comme lui, d'authentiques artistes!
En résumé, les œuvres d'Hervé Treuil ont toutes les qualités d'une peinture heureuse, sereine, bien maîtrisée. Elles illustrent ce que disait Renoir « Un tableau doit être aimable, joyeux et joli ».
Cette peinture est-elle encore trop retenue, à l'image de sa personnalité? Doit-il passer de l'agriculture raisonnée (bravo pour ce choix, soit dit en passant) à. .. une peinture davantage libérée du raisonnable? C'est-à-dire évoluer vers une peinture moins sage pour mieux servir son don incontestable et.... sa jeunesse retenue?
Le débat est ouvert.
Mais, le secret est peut-être dans sa double activité d'aqriculteur et de peintre champêtre, parfois difficile à concilier.
Pour autant, l'artiste ne doit pas s'éloigner de ce style figuratif grâce auquel il met des couleurs sur la lumière et rester ce cœur paysan qui est, au fond, un grand architecte de l'univers.
Jean-François Nouet